Roland Barthes : Le degré zéro de l'écriture 1

03/03/2018

Avant de se lancer dans le vif du sujet

 Roland Barthes est un critique littéraire et sémiologue français, né en 1915 et mort en 1980 à Paris. Sa mort accidentelle devant le collège de France est d'ailleurs reprise sous le spectre de l'assassinat dans le livre La septième fonction du langage (2015) de Laurent Binet. Roland Barthes est surtout fameux pour avoir écrit Le degré zéro de l'écriture (1953), Mythologies (1957) et La chambre claire (1980). 

 Avant de commencer

 Commençons par préciser que cette série d'article prendra la forme d'une fiche de lecture beaucoup plus que d'une critique de l'ouvrage de Barthes. Je vise donc plus à vous restituer ce que j'ai appris du livre qu'à en proposer une vision critique - je n'ai pas encore cette prétention. Vous retrouverez donc l'architecture du livre dans les titres des parties, qui sont ceux du livre. Le choix de laisser la parole à Barthes plus qu'à mes propres reformulations, dès que possible, vise à vous permettre un premier contact direct avec le texte.

 Roland Barthes est parfois dur à saisir. On pourrait dire qu'il a une pensée complexe sans trop se mouiller. Pour que vous commenciez la lecture avec toutes les clefs en mains, je vous propose donc quelques rappels essentiels. Quitte à ce que ce soit frustrant pour certains, je préfère m'attarder sur le préambule toute cette semaine, pour que les prochains articles puissent s'attaquer au texte sans détours. 

 Le degré zéro de l'écriture est le premier essai publié par Roland Barthes ; il lui vaut une place immédiate et d'importance dans la communauté des critiques littéraires. Barthes est l'une des figures tutélaires du mouvement structuraliste en littérature. Je pique la définition de l'Encyclopédie Larousse : "Le texte littéraire est considéré par la critique structuraliste comme une manifestation de la langue ; on l'étudie à l'aide des structures (réseaux) servant à l'analyse linguistique, qu'elles soient d'ordre grammatical, syntaxique, rhétorique, phonétique ou autre. Le texte est perçu non comme une entité unique et originale, mais comme le point de convergence de tous ces réseaux de signification". 

 Quand la littérature devient une problématique du langage

 Dans son essai, plus que dresser un panorama de la littérature contemporaine (qui est esquissé en arrière-fond), Barthes écrit une histoire assez originale des formes littéraires, qu'il étudie à l'aune de l'idéologie bourgeoise - sa petite marotte, qui vire parfois à la monomanie.

 Barthes propose ainsi comme postulat que "aux temps bourgeois (c'est-à-dire classique et romantique", "l'unité idéologique [...] a produit une écriture unique". La forme devient le fond (et donne naissance à tout un tas de recherches formelles) dès lors que "l'écrivain a cessé d'être un témoin de l'universel pour devenir une conscience malheureuse", vers 1850. À partir de ce point, "la Littérature entière [...] est devenue une problématique du langage".

 Chateaubriand fait de la forme un langage narcissique qui se complaît dans une structure parfaite ; Flaubert, modèle d'exigence en matière de style, en fait une "valeur-travail" ; Mallarmé porte ses efforts sur une "destruction du langage, dont la Littérature ne serait en quelque sorte que le cadavre".

 Aujourd'hui (ou, plutôt, en 1950), elle atteint un nouvel avatar : l'écriture neutre, celle de Camus, Blanchot ou Cayrol, appelée ici "le degré zéro de l'écriture", qui manifeste une "négation" et une "impuissance à l'accomplir", et cherche une absence de signes.

 Barthes en conclut que l'objectif recherché est de devenir "un écrivain sans Littérature". 

 Les deux prochains articles s'attacheront à essayer de comprendre et justifier cette introduction de Barthes à son essai, qui condense le développement d'une réflexion longue et systématique. Le prochain article essaiera de définir la notion d'écriture (et, croyez-moi, il y a du boulot), et le suivant nous amènera à comprendre le problème de l'utopie du langage.

 Pour ne pas nous quitter sur un goût d'inachevé, je vous incite, en attendant le prochain article, à creuser un peu plus à propos de Barthes ou de la sémiologie. Vous pouvez par exemple lire cette présentation d'Umberto Eco, qui s'intéresse à la manière dont le philosophe italien reprend les théories de Barthes ; vous pouvez relire l'article consacré aux Mythologies, essentiel à mon sens ; ou regarder, (une nouvelle fois ?) son intervention sur Apostrophes pour parler des Fragments d'un discours amoureux.

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