Dany Laferrière : Le Cri des oiseaux fous

12/06/2016

Un superbe hommage à Haïti

L'auteur et l'oeuvre

 Dany Laferrière est un écrivain haïtien et québécois d'origine haïtienne, né en 1953 à Haïti et membre de l'Académie française depuis 2013. Il a grandi sous le régime dictatorial de François Duvallier, surnommé Papa Doc, et de son fils Jean-Claude Duvallier (Baby Doc), ce qui a fortement influencé son oeuvre, une grande partie de ses romans étant à caractère autobiographique. Il a notamment écrit Le Cri des oiseaux fous (2000) et L'énigme du retour (2009) pour lequel il a reçu le prix Médicis.

 Le Cri des oiseaux fous est un roman qui relate une nuit de la jeunesse de Laferrière, la plus importante d'entre toutes probablement puisqu'il s'agit de la nuit qui précède son départ forcé d'un Haïti où il n'est plus en sécurité, notamment depuis que son ami et collègue journaliste Gasner s'est fait assassiner par des tontons macoutes, les chiens de garde du gouvernement de Baby Doc.


Vieux Os dans la nuit chaude

 Chacun des nombreux chapitres du roman est associé à l'heure à laquelle se déroulent les faits relatés, ce qui permet de bien cerner le déroulement du récit. Entre 12h07 et 6h58 du matin suivant, le héros du roman, Vieux Os, fait le tour de Port au Prince, du pays, de ses amis, de ses amours, de sa vie. On peut voir dans ce roman une sorte de confession, une explication fournie par Dany Laferrière, comme une justification de sa fuite du fait de la situation dans laquelle il se trouvait ; on a l'impression d'une culpabilité encore mal digérée, d'un exil qui reste un poids sur la conscience.

 Il est vrai que le choix proposé au protagoniste de l'histoire paraît relativement simple : rester et mourir, ou partir vers un avenir inconnu, dangereux, loin de tout ce qu'il aime. Car, indubitablement, Vieux Os aime cette vie haïtienne qui est magnifiquement décrite dans le roman, une sorte de douce entraide, un amour de l'homme que l'on a développé pour résister à un pouvoir tyrannique et meurtrier.

Syndrome de Stockholm à Haïti

 L'ensemble du roman est habilement équilibré entre des scènes heureuses - la vie quotidienne, les diverses filles que fréquente Vieux Os, le conservatoire dans lequel est adaptée en créole Antigone de Sophocle, qui correspond magnifiquement bien à la situation politique du moment - et un portrait d'abord flou, puis de plus en plus précis et terrifiant, de la violence de la dictature. Torture et meurtres sont décrits avec une précision de connaisseur et une indifférence d'habitué qui font froid dans le dos. Par provocation, Vieux Os va jusqu'à se mêler à la bande des cerbères, une rencontre qui permet de se figurer au mieux l'horreur dont ils étaient capable.

 On peut d'ailleurs, à ce titre, noter que la torture est évoquée plutôt vers la fin du roman (et de la nuit), ce qui est probablement une manière de s'assurer que nous allons lire ce que l'auteur avait à écrire : en effet, une telle description en début de roman aurait été rhédibitoire, mais, une fois que le cadre est bien installé, le lecteur ne peut plus la refuser.

 Les personnages secondaires, malgré leurs apparitions souvent très brèves, ont une réelle profondeur psychologique et semblent vraiment vivants, ce qui permet d'autant plus de se plonger dans le récit.

 En résumé, Le Cri des oiseaux fous est un roman magnifique, admirablement bien écrit, captivant de par son action et de par le cadre qu'il instaure, un tableau réaliste peint avec adresse, qui a quelque chose de sublime : tant fascinant qu'effrayant.

Citations

La seule question qui reste est celle-ci : quelqu'un qui aime peut-il être ridicule ? Pourquoi l'amour semble-t-il parfois ridicule, tandis que la mort ne l'est jamais ?

Si je subis la dictature, je ne peux pas être celui qui doit la combattre. Faut pas trop demander. La même personne ne devrait pas faire les feux boulots à la fois. [...] c'est pour cela que les dictateurs restent si longtemps au pouvoir. On demande à des éclopés de les combattre.

Je ne pense presque jamais, ce sont les souvenirs qui m'assaillent. Toujours un fait, jamais une véritable réflexion.

Tu reviendras un jour. Va te mettre à l'abri de ces démons. Tu seras plus utile vivant que mort. 

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