Yukio Mishima : Le pavillon d'or
Note : Il s'agit d'une fiche relativement ancienne, elle sera probablement moins riche que les critiques les plus récentes !
Présentation et résumé
Yukio Mishima est un écrivain japonais né en 1925 et mort en 1970, qui s'est également essayé au cinéma. Il est l'auteur d'un grand nombre de romans, d'essais, de recueils de nouvelles et de pièces de théâtre, œuvres parmi lesquelles les plus connnues sont sans doute Confession d'un masque (1949) dans lequel il parle de son homosexualité, Le Pavillon d'Or (1956) et La mer de la fertilité (1964). Il s'est suicidé par sepuku après avoir effectué une prise d'otage, se donnant la mort d'une façon particulièrement spectaculaire qu'il semblait avoir prédite dans certains de ses romans.
Le Pavillon d'Or s'inspire d'un fait divers qui a profondément choqué Kyoto : en 1950, un jeune moine bouddhiste a incendié un temple construit aux environs de 1400, appelé le Pavillon d'Or. Dans son roman, Yukio Mishima raconte, à la première personne, comment ce jeune moine en est venu à accomplir son acte ; entre dissertations sur la beauté et errances d'un jeune moine bègue, il livre un roman d'une grande qualité et particulièrement intéressant à lire car il nous fait comprendre, sans juger, comment l'on peut être amenés à commettre un tel acte.
Analyse
Le Pavillon d'Or est donc un roman écrit à la première personne, nous faisant partager les pensées les plus intimes de Mizogushi que l'on apprend ainsi à aimer. Il n'est pas animé de mauvaises intentions envers les autres et, si certains de ses actes - avant de déclencher l'incendie - peuvent sembler légèrement étrange, il n'est pas un personnage complètement incompréhensible ; Mishima semble plutôt suggérer que s'il n'avait pas été bègue et laid, le destin de Mizogushi aurait été complètement différent.
Accueilli au Pavillon d'Or après la mort de son père, Mizogushi étudie pendant plusieurs années sous les ordres du Prieur. Durant cette période, il décrit ses relations amicales avec Tsurukawa et Kashiwagi, ce dernier ayant les pieds bots et une âme noire. Kashiwagi est sans doute celui qui pervertit l'esprit de Mizogushi, qui lui insuffle une haine de la Beauté lors de ses tirades. Comme souvent, l'élève dépasse et trahit le maître : Mizogushi, qui éprouvait initialement une admiration dévote pour son ami, en vient à le trahir et à lui voler de l'argent, et, dans leur dernière entrevue, il semble être nettement en position de force.
L'idée d'incendier le Pavillon d'Or est en effet nourrie par une réflexion sur la Beauté, ce qu'elle a d'éphémère et de trompeur - et d'inaccessible à certaines personnes comme Mizogushi ou Kashiwagi, l'un bègue et l'autre boiteux. Ces réflexions sont en partie développées par Kashiwagi, ce qui est peut être un moyen pour l'auteur de proposer des réflexions sans pour autant les faire siennes.
D'après le discours de Kashiwagi, donc, la Beauté est trompeuse, elle s'assimile à une dent cariée : «La Beauté [...] c'est comme une dent cariée [...] qui fait mal [...]. A la fin, on n'en peut plus de douleur et le dentiste vous l'arrache. Alors, en voyant dans le creux de la main cette petite chose brune, sale, sanguinolente, on se dit à peu près : ''C'est ça ? ''' »
Il est amusant de constater que les réflexions développées par Mishima en 1956 se rapprochent de celles de certains philosophes postmodernes dans les années 1960 ou 1970 en France : l'idée que les apparences - en l'occurrence, la Beauté - sont trompeuses, et que ce que l'on croit être vrai - ou Beau - nous est inaccessible. « Complètement coupé de la vie, simple objet offert à ma vue, ce n'était qu'un témoignage du désert de l'existence » : cette expression de désert de l'existence rappelle fortement le tête d'un livre de Slavoj Žižek : Bienvenue dans le désert du réel.
Par ailleurs, il est sans doute important de garder à l'esprit la mort particulièrement spectaculaire de Mishima, ce qui permet de voir dans ce livre une fascination pour la ''mort noble'' que l'on accomplit à travers un acte fort.
Le Pavillon d'Or, en conclusion, est un roman réellement remarquable, d'une grande qualité et d'une grande sensibilité, qui expose beaucoup de réflexions très intéressantes et propose une vision sensuelle et sans tabou de la vie de moine.
Citations
Pour être un artiste, j'avais une trop haute idée de moi.
Les infirmes, comme les jolies femmes, sont las d'être regardés.