Yasunari Kawabata : Les Belles Endormies

25/09/2015

Présentation et résumé

 Yasunari Kawabata (1899-1972) est un auteur japonais, considéré comme un écrivain majeur du Xxème siècle ; il a d'ailleurs reçu le prix Nobel de littérature en 1968. Il écrit dans un style très épuré, souvent de brefs récits qui ont été regroupés en recueils (notamment Première neige sur le Mont Fuji, paru en France en 2014), mais également des romans, parmi lesquels le plus célèbre est probablement Les belles endormies (1961). Il a également écrit Le maître ou le tournoi de go.

 Les belles endormies est un roman qui décrit une maison close éponyme assez particulière au Japon, autour des années 1950. On y suit plusieurs visites d'un même vieil homme, Eguchi, qui se rend dans l'hôtel d'abord avec réticence, puis afin d'assouvir une nécessité. Il ne s'agit toutefois pas d'une maison de plaisir et les filles qui y dorment ne vendent pas à proprement parler leur corps, puisqu'elles sont strictement endormies, et que les clients n'ont pas le droit de briser leur virginité.

Analyse

 Etonnante maison close, donc, qui ne s'occupe pas d'assouvir les désirs sexuels des hommes mais comble plutôt le manque d'affection et de compagnie féminine des vieillards, qui viennent passer une nuit aux côtés d'une jeune fille présentée nue dans un lit. Endormies par un puissant somnifère, celles-ci ne se réveilleront jamais en présence des « clients » ; ce que l'on sait des autres vieillards, d'ailleurs, n'est issu que de l'imagination d'Eguchi puisque l'histoire ne décrit aucun autre client que lui.

 Il affiche tout au long du livre un certain mépris pour les autres, d'ailleurs, principalement afin de conserver une certaine estime de lui. « Celui qui rabaisse, c'est qu'il est bas », a dit Antoine de Saint-Exupéry ; Eguchi se trouve aussi bas que les autres clients qui viennent quémander un peu de chaleur humaine, mais refuse de l'avouer. Aussi il ne cesse de penser à toutes les atrocités que les autres vieillards doivent probablement connaître, ne cesse de se dire qu'ils sont probablement désespérés et dégoûtants, sans jamais oser en penser autant de lui-même.

 Un cachet de somnifère est proposé aux clients, afin de s'assurer une nuit paisible et reposante en compagnie des jeunes filles. Il s'agit là d'une drogue moins puissante que celle que prennent les dormeuses, d'ailleurs, puisque certaines d'entre elles ne se réveillent jamais... L'histoire, qui commençait d'une manière relativement poétique et esthétique, prend vers la fin un tournant sordide qui nous montre l'horreur de ces maisons closes.

 En effet, si le style, épuré mais très attaché aux détails, avec une esthétique portée vers la nature et très légère, peut au début du texte nous faire penser qu'il s'agit de moments poétiques et calmes, le déroulement de l'histoire nous fait comprendre qu'il n'en est rien. Eguchi trouve une paix provisoire, dans les bras de ces filles assoupies, mais à quel prix ?

 Lorsqu'il commence à fréquenter l'établissement, il est plein de réserve et de dignité, plein de considération à l'égard de ses partenaires. Plus les séances s'accumulent, plus il y revient pour assouvir un besoin plus profond, comme un drogué ; et, comme un drogué, il lui faut des doses de plus en plus fortes pour répondre à ses attentes. Aussi est-il prêt, à un moment, à bafouer les règles de l'établissement et à posséder une des filles. Seule la révélation de sa virginité le retient, lui causant un choc.

 Mais à travers ce roman, Kawabata nous livre aussi une vision tragique des maisons closes, nous faisant comprendre que les jeunes filles ne méritent pas un tel sort. Il s'agit souvent de situations dangereuses pour elles - deux d'entre elles meurent dans l'histoire, et ce ne sont visiblement pas les premières -, et les clients, à l'instar du vieil Eguchi, finissent vite par perdre leur réserve et leur candeur envers celles qu'ils apprennent à ne plus réellement considérer comme des humaines.

 Les belles endormies est donc un roman assez perturbant et qui fait inévitablement réfléchir ; si certains passages sont très beaux, et assez poétiques, on ne peut nier le fait que d'autres sont vraiment gênants, voire même dérangeants. Et d'ailleurs, c'est sans doute cela qui rend l'oeuvre si fascinante.

Citations

Eguchi se contentait de contempler de tout près le petit visage, et il lui semblait que sa propre vie et ses mesquins soucis de tous les jours se dissipaient mollement.

L'univers le plus inhumain devient humain par la force de l'habitude.

 Et pourtant, pouvait-il exister chose plus horrible qu'un vieillard qui se disposait à coucher une nuit entière aux côtés d'une fille que l'on avait endormie pour tout ce temps et qui n'ouvrait pas l'oeil ?

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