William Shakespeare : La tempête
L'auteur et l'oeuvre
William Shakespeare, "le Barde", est un dramaturge et poète anglais né en 1564 et mort en 1616. Il est incontestablement l'homme de lettres anglophone le plus connu, jouissant encore aujourd'hui d'une réputation sans égal. Il a été extrêmement prolifique, si bien que des polémiques ont émergé à propos de son identité, certains pensant qu'il s'agissait d'un pseudonyme sous lequel s'étaient regroupés plusieurs dramaturges et poètes. Il est notamment fameux pour les pièces Roméo et Juliette (1597), Hamlet (1603) et Othello (1604) (et tant d'autres encore).
La Tempête (1611) est une des dernières oeuvres de Shakespeare, probablement la dernière qu'il ait écrite (il a coécrit au moins deux autres pièces ensuite). On y assiste aux manipulations de Prospero, un mage mystérieux, exilé sur une île en mer Méditérannée, qui oeuvre pour amener sa fille Miranda sur le trône de Naples, dont elle est la légitime héritière. Il s'agit d'une pièce très mystique, assez mystérieuse, du registre de la tragi-comédie : un argument tragique à la résolution heureuse.
Résumé et analyse
(Note : pièce lue en anglais, certaines traductions peuvent varier légèrement)
La pièce, en 5 actes, met en scène les intrigues crées par le puissant mage Prospero, enfermé sur son île depuis 12 ans. Il raconte lui-même comment Anthonio, son frère, lui a volé le trône de Naples, et comment lui n'a rien vu venir, occupé qu'il était par la lecture de ses précieux livres - allégorie du vieil érudit reclu dans sa tour d'ivoire, qui ne voit pas les machinations qui l'entourent. Douze ans plus tard, ill créé une tempête qui fait s'échouer le bâteau du roi de Naples et du duc de Milan sur l'île, et domine leurs destinées sur l'île du haut de sa Cellule.
L'île de Prospero est peuplée d'esprits, dont la plupart (Ariel, Iris, Ceres) sont asservis et dévoués à Prospero. Caliban, réduit en esclavage, est un monstre à l'allure rebutante, qui cherche la moindre occasion pour trahir son maître et reprendre possession de l'île, dont il semble qu'il était initialement le légitime propriétaire. Il emmène donc un majordome alcoolique - qu'il prend pour un dieu venu lui amener la panacée, qui n'est en fait qu'une bouteille de mauvais vin - pour tenter de renverser son maître. Bien entendu, son complot tourne très rapidement court.
Comme La Tempête est la dernière pièce écrite par Shakespeare, de nombreux critiquent ont vu en Prospero un substitut du Barde lui-même : il s'agit d'un homme de lettres, qui vit toute la journée plongé dans ses livres, et qui semble fabriquer à lui tout seul l'intrigue de la pièce, comme Shakespeare écrit (seul) ses pièces. Et, clin d'oeil final adressé aux idolâtres du dramaturge, le mage abandonne son Art puisqu'à la fin de la pièce, lors de son mariage entre sa fille et Ferdinand, le fils du duc de Milan, Prospero rend la liberté à ses esprits, s'apprête à revenir en Italie et rompt son bâton (symbole de son pouvoir magique). Il est par ailleurs intéressant de noter que Ferdinand et Miranda sont montrés en train de jouer aux échecs, un jeu où le but est de capturer le roi, ce qui était l'intention de Prospero dès le début.
Prospero est un personnage relativement ambigu, puisqu'il est la victime d'un complot et donc parait en droit de reconquérir ce qui lui revient légitimement. Si ses intentions sont nobles, ses moyens le sont cependant moins : il réduit en effet en esclavage plusieurs personnes, peut être colérique et traite relativement mal Caliban, le monstre de l'île.
Ce dernier présente également une certaine profondeur puisqu'il peut paraître horrible par certains aspects - il parle sans aucune gêne de la fois où il a tenté de violer Miranda -, mais il est aussi la victime de Prospero, qui lui a volé son île. Un des passages les plus poétiques de la pièce (3.2) est d'ailleurs délivré par Caliban, qui parle de son île avec une admiration et un amour touchants.
On a souvent vu en Caliban l'allégorie des populations sauvages que l'on a tenté de civiliser (voir citation 1), en les réduisant à l'esclavage et en leur volant leur île.
Enfin, dans le soliloque final, Prospero demande aux spectateurs de beaucoup applaudir la pièce ("But release me from my bands / With the help of your good hands"), ce qui nous amène au dernier élément d'analyse : la mise en abîme créée par Shakespeare. Comme déjà évoqué, Prospero peut être vu comme un substitut de Shakespeare ; le théâtre de Prospero prend place sur l'île, mais s'étend au "great globe itself" : le théâtre de Shakespeare s'appelait le Globe, hasard ?
Quand Prospero abandonne sa magie, la cour du roi peut revenir la réalité, à Naples ; quand Shakespeare finit sa pièce, le public peut revenir au monde réel...
Par ailleurs, si vous souhaitez prolonger l'expérience, Dan Simmons, dans ses excellents romans de science-fiction Ilium et Olympos, reprend, en même temps que la guerre de Troie, l'étude des sonnets de Shakespeare ainsi que de La Tempête, rappelant à ses côtés Caliban et son dieu perfide Setebos.
Citations
You taught me language, and my profit on't (Tu m'as appris à parler, et mon profit)
Is I know how to curse. The red plague rid you (Est que je sais jurer. La peste rouge sur toi)
For learning me your language! (Pour m'avoir appris ta langue !)
We are such stuff
As dreams are made on, and our little life
Is rounded with a sleep.