Oscar Wilde : Le portrait de Dorian Gray
L'auteur
Oscar Wilde est un écrivain et dramaturge irlandais né en 1854 et mort en 1900. Il est connu pour avoir mené une vie de dandy, plaçant son génie dans son mode de vie plus encore que dans ses écrits. Il a vécu plusieurs années en France et a même écrit une pièce de théâtre en français, Salomé (1894). Il a notamment écrit Une femme sans importance (1893), Un mari idéal (1895) et L'importance d'être constant (1898).
L'oeuvre
Note : livre lu en anglais, certaines traductions peuvent être différentes des versions officielles. Et la critique s'accompagne d'un petit spoiler. Soyez prévenus.
Le portrait de Dorian Gray (1890) est un roman court, l'unique de l'auteur et peut être l'une de ses oeuvres les plus célèbres. Il décrit la vie du jeune esthète Dorian Gray (le titre aurait pu le laisser deviner), qui découvre un jour le potentiel ravageur de son incroyable beauté. Cette révélation lui est offerte par le très cynique Lord Henry Wotton, un ami du peintre Basil Hallward pour qui Dorian Gray pose comme modèle.
Le jour où Basil Hallward peint de son modèle le portrait le plus abouti de sa carrière, un chef d'oeuvre indubitable, Dorian Gray mène une conversation édifiante - tant pour lui que pour nous - avec Lord Henry, personnage d'une grande profondeur psychologique et d'une grande originalité, qui est l'incarnation même du cynisme.
Dans un moment d'hystérie, Dorian prononce un voeu : il souhaite que le portrait vieillisse à sa place, et que lui demeure intouché par le poids des années. Voeu exaucé - pour le meilleur ou pour le pire : après avoir commis un méfait, Dorian Gray, qui va comme à son habitude admirer son magnifique reflet, s'aperçoit alors qu'un sourire maléfique est apparu au coin des lèvres de son image. Le portrait, au rythme de son âme, devient de plus en plus noir avec le temps, de plus en plus terrifiant ; l'avilissement culmine au moment de l'assassinat de son ami Basil Hallward, lorsque celui-ci tente de remettre Dorian Gray sur ce qu'il considère être le droit chemin, à savoir une conduite morale digne des valeurs traditionnalistes de la bourgeoisie anglaise de l'époque.
Le chemin conduisant Dorian Gray vers les abîmes de l'infamie est d'ailleurs éclairé par un roman (français) que lui conseille Henry Wotton, qui fascine étrangement le jeune Dorian ; une habile mise en abyme du texte écrit par Wilde.
Le portrait de Dorian Gray est, on n'aura cessé de le répéter, une réécriture du mythe de Faust. Un jeune homme vend son âme au diable pour obtenir une beauté éternelle ; il en jouit la plupart du temps, mais est rongé par le doute et l'angoisse, à tel point qu'il finit par en mourir.
Un élément qui rend particulièrement intéressant ce roman, à mes yeux du moins, est l'apparente contradiction du message qu'il véhicule. D'un côté, la morale de l'histoire qui semble suggérer qu'il ne faut pas vendre son âme au diable - ça, on aurait pu le trouver nous-même -, ni vivre une vie égoïste, remplie de vice et d'épicurisme. De l'autre, les propos d'un cynisme désarmant de Lord Henry Wotton, qui n'a de cesse d'exposer ses "dangereuses théorie" à tout un chacun, du début à la fin du roman, sont les mieux argumentés et ne sont jamais contredits.
Dans la préface du roman, ajoutée après la parution - une fois que l'oeuvre ait suscité l'émoi des lecteurs -, il est très clairement fait état de la fonction de l'art : "All art is quite useless".
Pour résumer, la philosophie qui semble émaner de ce court roman est complexe et profonde. D'un côté, une incitation à dépasser les moeurs actuelles de la société, empreinte d'une lourde hypocrisie ; de l'autre, une sorte de mise en garde contre l'excès de débauche - le genre de "grave immoralité" qui condamna, quelques années plus tard, Wilde à deux ans de prison.
Je me permets de signaler, au passage, que le chapitre 11 est d'un ennui mortel. Il y est fait la description de moultes pierreries, oeuvres d'art et objets ayant une certaine valeur "historique" que Dorian Gray se plait à collectionner. A part cela, le livre est captivant ; je me demande pourquoi un tel chapitre.
Pour ceux qui auraient passé leur jeunesse à lire les Picsou, je vous propose aussi de redécouvrir l'histoire en bande dessinée : https://fr.picsou.wikia.com/wiki/Le_Portrait_de_Balthazar_Picsou
Citations
Citations de Henry Wotton
La valeur d'une idée n'a absolument rien à voir avec la sincérité de l'homme qui l'exprime.
Toujours ! Quel mot terrible. Les femmes adorent l'utiliser. Elles gâchent toutes les histoires d'amour en essayant de les faire durer pour toujours. Cela n'a aucun sens. La seule différence entre un caprice et une passion pour la vie, c'est que le caprice dure un petit peu plus longtemps.
Oui ! C'est un des grands secrets de la vie. De nos jours, la plupart des gens meurent d'une sorte de bon sens patent, et ne découvrent que lorsqu'il est trop tard que la seule chose qu'on ne regrette jamais, ce sont nos erreurs.
Il y avait des moments où il considérait simplement le mal comme un moyen par lequel il pouvait réaliser sa conception du beau.
Quels nonsens les gens racontent à propos des mariages ! Un homme peut être heureux avec n'importe quelle femme du moment qu'il n'en est pas amoureux.
Citations sur l'art
[Sur la musique] Quelle bénédiction qu'il nous reste un art qui ne soit pas imitatif !