Natsume Sôseki : Choses dont je me souviens

08/08/2015

Sôseki est un excellent auteur japonais, qu'il faut avoir lu !

Présentation et résumé

 Natsume Soseki (1867-1916) est un écrivain japonais, auteur de nouvelles, de romans et de haïkus, notamment connu pour Je suis un chat (1905), Botchan (1906) et La porte (?). Ses écrits ne sont traduits en France qu'aux alentours des années 1990. Il est décrit comme un auteur représentatif de la transition vers la modernité du Japon. Il jouit d'une telle reconnaissance qu'il figure sur les billets de banque de 1 000 yens. 

 Choses dont je me souviens est un roman autobiographique qui raconte un épisode particulier de la vie de l'auteur. En 1910, Sôseki est hospitalisé pour une maladie grave ; peu de temps après, alors qu'il prend le train pour rentrer chez lui, se pensant guéri. Il fait alors une rechute et tombe de nouveau inconscient ; après avoir échappé de peu à la mort, Soseki livre ses pensées les plus intimes, des réflexions portées par la joie d'être encore en vie.

Analyse

 Encore alité au moment où il écrit Choses dont je me souviens, Sôseki a tout de même eu le temps de prendre du recul par rapport à sa maladie : il est guéri, au moment où il écrit - ou presque, puisque l'ulcère qui l'avait auparavant terrassé reviendra le prendre quelques années plus tard. Toutefois, Sôseki est déjà mort une fois, pendant trente minutes, et même si c'est une expérience dont il n'a aucun souvenir, elle a certainement marqué sa manière de percevoir le monde.

 De fait, il s'exprime sans gêne et sans retenue, livrant beaucoup de pensées intimes. Il s'adresse au lecteur, sur un ton badin, et semble nous parler pour entretenir la conversation. Et c'est une conversation extrêmement intéressante.

 Construit sur une succession de chapitres très courts, le livre alterne entre un passage à propos de sa maladie, de sa rémission, d'un membre du personnel d'hôpital, et un chapitre à propos de ses réflexions, de ce que cette morbide expérience lui a apporté. Sôseki est un grand écrivain de haïkus, poèmes japonais en dix-sept syllabes (voir citations) : on en a recensé pas moins de 2500 de la main du maître ; il a aussi écrit beaucoup de kanshis, des poèmes chinois à la prosodie extrêmement complexe, et tout le roman est parsemé de haïkus et de kanshis écrits durant sa période d'internement à l'hôpital - ou à propos de celle-ci - et certains sont commentés par l'auteur.

 C'est d'ailleurs au cours d'un passage très intéressant où, après nous avoir livré plusieurs haïkus, Sôseki nous explique qu'ils ne sont pas d'une grande qualité littéraire - ce dont je n'aurai jamais pu me rendre compte moi-même étant donnée la nature particulière de ces poèmes -, mais qu'il pense qu'ils sont d'une grande valeur car ils retranscrivent parfaitement l'atmosphère de bien-être qu'il ressentait lorsqu'il était alité.

 En effet, une fois sur la voie du rétablissement, Sôseki se sentait bienheureux, reposé, libre ; il se compare à Dostoïevski qui connaissait un moment de pur jouissance avant d'avoir des crises d'épilepsie. Il parle aisément des écrivains car, étant lui-même un homme de lettres, il lit beaucoup et notamment durant son séjour à l'hôpital. Il s'en souvient, et l'insère donc dans son roman : il analyse et critique ainsi plusieurs ouvrages, n'hésitant pas à descendre très franchement ceux qui lui ont déplu.

 Toutefois, il faut noter que ses explications philosophiques à lui ne sont pas des plus claires et que certains passages un peu plus ardus au niveau de la réflexion sont compliqués à suivre pour le lecteur. Est-ce à cause de la difficulté de traduire certaines formulations japonaises, ou est-ce l'auteur lui-même qui manque de clarté, je ne saurai dire.

 Choses dont je me souviens est un roman d'une incroyable beauté, d'une certaine légèreté malgré le thème grave qu'il aborde, et dont certaines pages sont d'une grande poésie. Le style reste parfois assez documentaire mais, à d'autres moments, notamment lorsqu'il aborde des questions métaphysiques, Sôseki se permet quelques envolées lyriques parfaitement élégantes.

 C'est aussi un roman qu'il faut prendre le temps de savourer ; d'une grande richesse, il condense, comme c'est [*apparemment] l'habitude chez les auteurs Japonais, un grand contenu dans un petit nombre de pages. Certains passages sont à relire plusieurs fois, notamment ses réflexions sur la mort - étrange sentiment que de ne pas se souvenir d'être mort et de l'apprendre de la bouche de quelqu'un d'autre -, sur la société, sur la joie...

 Une lecture qui peut apporter beaucoup de réconfort aussi, qui aide à relativiser et à prendre du recul.

*= Je n'ai pas encore lu assez de romans japonais pour généraliser ; cependant, j'ai l'impression qu'en général les écrits sont assez denses, pas nécessairement d'un point de vue narratif d'ailleurs : les phrases ne sont pas écrites en vain et portent chacune un message.

Citations

Rien n'est plus décevant que de lire un ouvrage médiocre, abusé par le nom de son auteur ou par un titre prometteur.

Dans la froideur du matin
Mes os sont vivants
Je reste immobile


En fin de compte, à supposer qu'on ait réussi à composer un haiku ou un poème de qualité, la joie qu'en retire l'intéressé se résume à recevoir quelques remarques favorables de personnes aux goûts semblables, réputation flatteuse qui, une fois retranchée, ne laisse subsister qu'angoisse et souffrance

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