Henning Mankell : Les chaussures italiennes
Note : Vous lisez une fiche relativement ancienne, il se peut qu'elle soit moins riche que les critiques les plus récentes !
Présentation et résumé
Et si la vie pouvait commencer n'importe quand ? C'est la question qui se pose à la fin de la lecture du roman écrit par Henning Mankell, écrivain suédois notamment connu pour avoir créé l'inspecteur Wallander.
Fredrick Welin est un vieil homme ; pas nécessairement à cause de ses soixante-cinq années passées, mais plutôt parce qu'il attend la fin. Il vit seul, avec sa vieille chatte et sa vieille chienne, sur une île en Suède, et ne fait rien. Rien, si ce n'est un trou dans la glace qu'il creuse chaque jour à la hache, pour aller s'immerger dans l'eau gelée, et ressentir la morsure du froid étreindre son corps. Lui-même ne connaît pas la raison exacte de ce rituel ; est-ce pour se prouver qu'il en est encore capable ? Qu'il est toujours en vie ?
Analyse
Contient des révélations sur l'histoire !
Ecrit dans un style très pur, Les chaussures italiennes est avant tout un livre très agréable à lire. On y suit le voyage d'un vieil homme, chez qui surgissent des éléments d'une vie qu'il pensait avoir enterrée depuis longtemps, comme par exemple une fille qu'il ne se savait pas avoir eue. Parsemée de quelques belles pensées (voir les citations plus bas), le roman nous emmène dans les confins de la Suède rurale, où l'on fait la rencontre d'un grand maître cordonnier qui s'est retiré de la ville mais continue de façonner des chaussures d'une facture unique, ou encore d'une femme manchote qui tient une maison pour jeunes filles réfugiées.
Tous les personnages ont quelque chose d'atypique, qui interroge, et peu de réponses nous seront apportées finalement ; pourquoi sa fille Louise éprouve-t-elle une telle passion pour Le Caravage, ce peintre de la Renaissance ? Que cherche-t-elle en se rendant à tous les lieux où sont exposées ses peintures ? Est-ce une manière de se rapprocher de son père, Le Caravage ayant également eu une enfance difficile ?
Mais tous les figurants de cette histoire ont finalement quelque chose d'attachants, à l'instar de Jansson, le postier hypocondriaque dévoré par une curiosité maladive, qui est tout de même sympathique.
L'élément central du livre nous concerne tous d'une certaine manière : nous avons tous accompli une action d'ampleur majeure que nous regrettons amèrement. Et si, un jour, les conséquences revenaient nous hanter ?
Fredrik a vécu quarante ans depuis qu'il a abandonné Harriet, son amour de jeunesse, et pourtant il y pense encore souvent ; une vie s'est écoulée depuis, mais une autre recommence lorsqu'elle vient le retrouver pour finir sa vie à ses côtés. Comment réagir, dans cette situation ? Aurions-nous le courage de faire face aux conséquences d'une erreur commise quarante ans plus tôt, ce qui peut sembler être une éternité auparavant ?
« Nous étions arrivés jusque là. Pas plus loin, mais jusque là. »
Ainsi termine le roman ; j'interprète personnellement ceci comme une manière de considérer les récents événements vécus par Fredrik en toute objectivité, sans glorifier à outrance Harriet, mais sans refuser ses différentes qualités. Ils ne sont pas allés plus loin : ils n'auront pas construit de foyer ensemble, pas élevés d'enfants ensemble, n'auront pas fait le tour du monde main dans la main ; mais ils se sont aimés d'un amour pur, quand ils avaient vingt ans, et elle est revenue mourir à ses côtés. Cela aurait pu être mieux, mais c'était déjà, à sa manière, formidable.
Citations
Je ne crois pas en un monde où toutes les énigmes seraient résolues.
Les gens sur les îles sont rarement bruyants ou expansifs. L'horizon est trop grand pour ça.
Je ne crois pas en Dieu. Mais il faut pouvoir en créer un, quand c'est nécessaire.
Parfois, quand je vois un ciel comme celui-là, je regrette de ne pas être compositeur.
La plupart des voyages dont on rêve n'ont pas lieu. Ou alors on les accomplit intérieurement. L'avantage, quand on emprunte ces vols intérieurs, c'est qu'on a de la place pour les jambes.