Daniel Keyes : Des fleurs pour Algernon

01/04/2017

Et si un jour, on découvrait un moyen d'accroître l'intelligence d'un homme ?

L'auteur

 Daniel Keyes est un écrivain américain né en 1927 et mort en 2014. Après des études de biologie, il a exercé des professions liées au monde de l'édition ; il a principalement écrit des romans ou nouvelles de science-fiction, tout particulièrement intéressé par la psychologie et les mystères de l'esprit humain. Son oeuvre majeure, de loin, est Des fleurs pour Algernon (paru en nouvelle en 1960, puis sous forme de roman en 1966), mais il a également écrit Les cyranoïdes ainsi que Les mille et unes vies de Billy Milligan. 

 L'oeuvre

 Des fleurs pour Algernon est un roman (puisque je choisis ici de commenter avant tout le roman et non pas la nouvelle) qui se présente comme le journal intime de Charlie Gordon, un adulte mentalement retardé dont le QI plafonne aux environs de 60. Une équipe de chercheurs, menée par le Dr Strauss et le Pr Nemur, a réussi une opération sur une souris (vous l'aurez deviné, il s'agit d'Algernon), créant ainsi une souris à l'intelligence incroyable ; Charlie, porté par le désir de devenir "un télijan", accepte d'être le premier humain à recevoir une telle opération.

 Les comptes rendus sont donc écrits de sa main, à la demande des scientifiques, afin de suivre son évolution intellectuelle. Dès les premiers jours qui suivent l'opération de Charlie, sa prose évolue : d'enfantine et truffée de fautes d'orthographe, elle devient correcte et même complexe. Charlie découvre le monde, la vie, tout ce à quoi il n'avait pas le droit jusqu'à présent. Et avec cela, viennent les misères.

 Car tous ses "amis" n'étaient en fait que des gens d'une intelligence moyenne qui aimaient à rabaisser plus bête qu'eux ; car il doit quitter l'emploi qu'il occupait depuis une dizaine d'années dans la boulangerie puisque maintenant qu'il se trimballe toujours avec un livre sous le bras et qu'il commence à maîtriser une douzaine de langues, il fait peur aux gens ; car il découvre que l'être humain est fondamentalement mauvais, et c'est une terrible découverte à faire. De plus, ce que l'on appelle son quotient intellectuel évolue plus rapidement que son quotient émotionnel, et il ne parvient pas à gérer toutes ces nouvelles émotions qui l'assaillent ; parmi elles, la plus complexe d'entre elles, l'amour, se manifeste au travers d'Alice Kinnian, sa professeure, qui l'a proposé aux professeurs pour l'expérience.

 Seulement, lorsque Charles Gordon, l'érudit, plus brillant que tous les universitaires qu'il rencontre, essaie d'être tout ce qu'il y a de plus humain avec Alice, il se rend compte qu'une personne l'observe : c'est Charlie, qui le regarde comme il regardait depuis sa fenêtre les enfants jouer dehors alors qu'il était un enfant demeuré.

 Au milieu de toutes ces misères, Charlie découvre un jour que l'expérience comportait une faille : la souris Algernon, selon ses prédictions, ne devrait pas tarder à régresser intellectuellement - et lui aussi. L'apprentissage trop rapide ne pouvait qu'entraîner une chute vertigineuse, et il saisait alors qu'il ne lui reste qu'un certain laps de temps pour profiter des lumières intellectuelles dont il a malgré tout rêvé toute sa vie.

 Des fleurs pour Algernon est un roman aussi magnifique que bouleversant : Keyes réussit le tour de force de faire pressentir un malheur grandiose dès les premières pages et de ficeler la trame narrative si bien que d'autres, plus ordinaires et donc pires encore, surgissent en cours de route ; en plus de cela, les personnages sont superbement développés, d'une réelle profondeur psychologique, et donc extrêmement attachants.

 Dans l'autobiographie Algernon, Charlie et moi, trajectoire d'un écrivain (qui suit le roman et précède la nouvelle dans l'édition augmentée de J'ai lu, 2012), on comprend que le roman de Daniel Keyes est l'oeuvre d'une vie : c'est la somme d'expériences qui ont façonné sa vie et qui, semble-t-il, ne pouvaient qu'amener au développement du personnage de Charlie - ce qui explique peut être pourquoi le reste de l'oeuvre de Keyes est si peu connu. 
Personnellement, j'ai également le sentiment que le roman est aussi le fruit (le plus abouti, peut-être, dans le domaine) de son époque, portée par un enthousiasme dans le savoir de la psychologie et le pouvoir de la science, mais révélant aussi la pointe d'une angoisse, du "et si ça ne marchait pas" : et si l'expérience échouait sur Charlie et Algernon, et si les robots se retournaient contre les humains - rappelons que Asimov publiait les Robots en 1950.

 Il y a certaines longueurs, certes : Keyes s'étend trop longuement sur les monologues intérieurs qui font état du doute et de la décadence imminente. Par ailleurs, parmi les premières scènes après l'opération, (supposément écrites par un personnage encore légèrement retardé), Charlie utilise des ficelles narratives dans lesquelles apparaît trop clairement la main de Keyes, usant d'effets de rhétorique fort à propos mais trop complexes pour avoir été employés par Charlie lui-même, qui rompent, pour un moment, la magie de l'histoire.

 Mais pour un moment seulement : Des fleurs pour Algernon reste un roman grandiose, à avoir lu et à relire, qui changera votre vision du monde en vous arrachant, au passage, quelques larmes douces-amères.

Citations

Je savez pas que les souris été aussi un télijente.

Le langage est parfois un obstacle au lieu d'un moyen de communication.

Maintenant, je comprends que l'une des grandes raisons d'aller au collège et de s'instruire, c'est d'apprendre que les choses auxquelles on a cru toute sa vie ne sont pas vraies, et que rien n'est ce qu'il paraît être.

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