Bertina Henrichs : La joueuse d'échecs
Présentation et résumé
Bertina Henrichs est une scénariste de documentaires et de fictions et romancière allemande, née en 1966, qui vit en France depuis une vingtaine d'années. Elle a connu un certain succès avec son premier roman, La joueuse d'échecs (2005), écrit en français et été traduit dans six pays. Elle a également écrit That's all right mama (2008) et Le Narcisse (2010).
La joueuse d'échecs raconte l'histoire d'une femme de chambre sur l'île grecque de Naxos qui découvre le jeu d'échecs par hasard. Aussitôt passionnée, elle entreprend, en cachette, d'apprendre à y jouer, notamment grâce à l'aide de son ancien professeur Kouros, avant d'aller disputer un tournoi à Athènes. Au travers de ces quelques péripéties, on en apprend un peu sur l'atmosphère propre aux îles grecques et leur rapport au célèbre jeu de plateau.
Analyse
Attention, quelques révélations sur la fin, qui ne gâchent cependant pas grand chose car le suspens est bien maigre.
Ce court roman soulève quelques questions intéressantes : le regard que peut avoir une petite communauté peu éduquée sur une excentrique qui se passionne à rester assise des heures durant devant un petit échiquier, ou encore les relations quelque peu archaïques entre hommes et femmes dans ces régions, à une époque qui semble pourtant assez contemporaine.
Les personnages sont globalement attachants, même si certains manquent un peu de profondeur : si Kouros, archétype de l'homme de lettres qui préfère ses livres à ses amis, nous étonne car il a par ailleurs la particularité de préférer les hommes aux femmes, les autres personnages restent très simples. Eleni, la femme de chambre touchée par le jeu, tourmentée par ce que disent les autres mais brave en son genre, fait la pair avec son mari mécanicien qui entend exercer son pouvoir patriarcal sur sa famille. Rien de bien neuf à tout cela.
L'histoire se déroule somme toute d'une manière assez classique : Eleni se révèle très douée, va faire un tournoi, y fait une performance honorable mais revient en ayant l'impression d'avoir perdu, et pendant ce temps, son mari a changé d'avis et convainc toute l'île qu'elle est une héroïne. Heureusement, la scène du retour triomphal sur l'île nous est épargnée, et elle nous est habilement suggérée - un point positif à mettre au compte de la narration.
Globalement, La joueuse d'échecs manque de profondeur. Beaucoup de longueurs pour s'attarder sur des détails sans grand intérêt, alors que d'autres auraient mérités d'être plus mis en valeur ; l'atmosphère n'est pas particulièrement travaillée, l'histoire n'est pas spécialement captivante même si elle finit par se révéler attachante, il n'y a donc pas dans ce roman de quoi vous tenir en haleine.
Le principal obstacle, pour moi, a été le style d'écriture. Bertina Henrichs s'est perdue dans d'innombrables qualificatifs et constructions alambiquées. Les propositions se baladent entre des noms qui sont invariablement affublés d'un qualificatif ; il ne s'agit jamais d'une maison, mais d'une petite maison, d'une maison bariolée, d'une grande maison blanchie à la chaux. Et ce, presque systématiquement.
Bertina Henrichs fait sûrement partie des personnes qui appellent un chat un félin quadrupède qui ronronne en léchant sa fourrure ambrée avec sa langue râpeuse. Une fois, pourquoi pas. A l'échelle de tout un roman, c'est trop lourd (voir citation).
La joueuse d'échecs n'est pas en soi une lecture désagréable ; certains passages sont intéressants, et on peut voir à deux occasions les effets du jeu sur Eleni, qui apprend à mieux maîtriser ses émotions et à prendre du recul dans sa vie quotidienne. Mais ce n'est pas à proprement parler un livre qui vaut le détour.
Un roman avec un tel titre, bien sûr, ne peut être lu sans être comparé avec Le joueur d'échecs de Stefan Zweig ; pour ceux qui se poseraient encore la question, La joueuse d'échecs ne tient absolument pas la comparaison.
Citations
Je préfère pour ce roman donner plutôt un petit aperçu du style à travers un paragraphe sélectionné (à peu près) au hasard dans le livre.