Albert Camus : Un cas intéressant
L'auteur
Albert Camus est un philosophe, écrivain et journaliste français d'origine algérienne. D'après ses Carnets (1947), son œuvre devait s'articuler autour de cinq cycles : le premier traitait le sentiment de l'absurde, développé à travers L'étranger (1942), Le Mythe de Sisyphe (1941) et Caligula (1944), le deuxième justifiant alors la révolte, que l'on peut découvrir en lisant La Peste (1947), L'homme révolté (1951) et Les Justes (1950) ; le troisième, le jugement, avec Le Premier homme (1994, posthume). Malheureusement, Albert Camus est décédé prématurément dans un accident de voiture en 1960 et n'a donc pu terminer son oeuvre. Albert Camus a également écrit L'état de siège (1948), La chute (1956) et L'exil et le Royaume (1957).
Dino Buzzati (1906-1972) est un journaliste, peintre et écrivain italien notamment connu, en France, pour son roman Le désert des Tartares (1940).
Résumé
Attention, quelques révélations (qui ne gâchent pas grand chose, on s'y attend dès le début) sur la fin de l'histoire.
Un cas intéressant (1962) est une pièce en deux parties et onze tableaux, qui oscille entre le comique et le tragique - ou, pour être plus exact, qui pousse le comique jusqu'à un stade tragique.
On y suit Corte, stéréotype même de l'homme d'affaire occupé qui n'a pas une seconde de son temps à dispenser en bagatelles, qui entend fréquemment une voix de femme, au loin ; une hallucination puisque les autres personnages présents sur scène ne l'entendent pas - sauf à quelques rares exceptions.
Du fait de ce cas étrange - ou, pourrait-on écrire pour faire un mauvais jeu de mot lourd, pesant et facile à faire, intéressant -, Corte est visité par un médecin, le docteur Claretta. Celui-ci lui assure qu'il n'a aucune raison de s'inquiéter, mais, tout de même, insiste lourdement pour qu'il vienne visiter l'hôpital "par curiosité" ; quand Corte arrive à l'hôpital, on insiste pour l'interner "provisoirement".
Dans cet hôpital, les patients sont classés par degré de gravité, selon chaque étage : au sixième sont les maladies bénignes ; au premier, "ça ne concernerait plus les médecins mais les curés". Vous l'aurez compris, Corte, par un habile enchaînement de faux prétextes, se fait emmener par les médecins jusqu'au premier étage, où il trouvera finalement la mort.
Ce qui est particulièrement remarquable dans Un cas intéressant, outre de nombreuses scènes comiques et un suspense très bien entretenu - on se demande tout du long ce qui se trouve au premier étage, qui semble être quelque chose de presque mystique -, c'est la rhétorique des médecins qui, du début à la fin, masquent une vérité que l'on ne connaîtra jamais à un Corte qui est voué à une mort qu'il ne comprend pas, alors qu'il se pense encore, jusqu'au pénultième étage, être un "bien portant".
Un cas intéressant fait en somme penser à un Knock (1924), de Jules Romain ("Un bien portant est un malade qui s'ignore") en cela que l'on ne saura pas si réellement Corte est malade et on lui a fourni ce traitement sans le lui dire pour le protéger - ce qui semble peu probable - ou si l'hôpital est une créature dévorante dont on ne ressort jamais.
A retenir
Albert Camus a traduit et adapté à la scène française cette pièce, originellement écrite par Dino Buzzati.
Toute les ruses des médecins pour faire descendre petit à petit Corte (vers la mort) sont très intéressantes à étudier et peuvent nous faire réfléchir, par exemple sur ceux qui prétendent nous aider et nous adressent de grands sourires tout en préparant notre cercueil.
Points positifs
Un rythme excellent : chaque scène est essentielle, suit la précédent et appelle la suivante. Quelques passages qui sont franchement drôles, d'autres inquiétants, et l'ensemble suscite des interrogations chez le spectateur/lecteur.