Albert Camus : L'étranger

28/04/2016

 L'auteur

Albert Camus est un philosophe, écrivain et journaliste français d'origine algérienne. D'après ses Carnets (1947), son œuvre devait s'articuler autour de cinq cycles : le premier traitait le sentiment de l'absurde, développé à travers L'étranger (1942), Le Mythe de Sisyphe (1941) et Caligula (1944), le deuxième justifiant alors la révolte, que l'on peut découvrir en lisant La Peste (1947), L'homme révolté (1951) et Les Justes (1950) ; le troisième, le jugement, avec Le Premier homme (1994, posthume). Malheureusement, Albert Camus est décédé prématurément dans un accident de voiture en 1960 et n'a donc pu terminer son oeuvre. Albert Camus a également écrit L'état de siège (1948), La chute (1956) et L'exil et le Royaume (1957). 

Résumé et analyse

 L'étranger (1942), premier roman de Camus (écrit entre 1940 et 1942, quand Camus venait d'arriver en France), est sans doute resté pour beaucoup l'oeuvre majeure de l'écrivain algérien. L'intrigue nous fait suivre le personnage de Meursault, un homme qui, au premier abord, paraît n'avoir aucune émotion. L'incipit célébrissime résume bien son mode de pensée : Aujourd'hui, maman est morte. Ou peut-être hier, je ne sais pas.

 Meursault assiste donc à l'enterrement de sa mère, dont il ne retient que le soleil écrasant ou la goutte de sueur qui perle le long du cou du vieux monsieur qui marche devant lui. Une fois revenu à Alger, il reprend presque des activités normales.

 Un dimanche, il est invité par une connaissance à un cabanon au bord de la plage. Une altercation entre son ami et un arabe avec qui il avait un litige précède une rencontre où Meursault est seul face à ce même arabe. Tout ce qu'il perçoit est la chaleur écrasante et le soleil qui joue des cymbales sur son crane ; et, sans comprendre pourquoi, il pointe son revolver sur l'arabe, tire une balle, puis quatre autres, et le tue.

 La deuxième partie du roman décrit la mise en place du procès, puis l'attente du jugement et enfin l'attente de la condamnation à mort. Il s'agit d'un procès bien particulier puisque l'on a l'impression que Meursault est jugé bien avant de commencer son procès ; il est, littéralement, "jugé" dès l'enterrement de sa mère, par un public de vieillards qui vient le regarder tranquillement mais qui semble le juger.

 Enfin, Meursault est condamné pour avoir "moralement tué sa mère", c'est-à-dire ne pas l'avoir suffisamment (ouvertement) pleurée ; son avocat s'exclame : "Voilà l'image de ce procès. Tout est vrai et rien n'est vrai."

 Le roman devient d'autant plus bouleversant lorsqu'on le lit avec suffisamment d'attention et que l'on comprend. Comprendre est un des mots qui revient le plus souvent dans L'étranger, et ce n'est pas pour rien : Camus essaie de nous faire comprendre ce qu'est un homme qui vit en ayant pris connaissance de l'absurde.

 Car Meursault a réalisé ce qu'était l'absurde, au sens camusien du terme : la vie n'a pas de sens ; vous ne changerez pas le monde ; on vous oubliera quand vous mourrez. Malgré cela, il y a des moments où l'on peut être heureux, et Meursault, malgré son apathie apparente, éprouve bel et bien des sentiments : il a envie de la jolie Marie, mais aussi il se souvient d'une plage, "une plage où j'avais été heureux", dit-il.

 Meursault est donc jugé pour être quelqu'un de différent des autres plus que pour autre chose ; il est jugé tandis que lui ne juge jamais. Il ne forme aucun jugement moral, ni sur son ami Raymond et ses histoires malsaines, ni sur le vieux Salamano qui bat son chien toutes les nuits mais est finalement bouleversé lorsque celui-ci disparaît. Meursault ne juge pas, Meursault ne ment pas : "Il ne faut jamais jouer" (jouer dans le sens de prétendre).

A retenir

 Meursault est un personnage déroutant, mais c'est voulu puisqu'il incarne la notion d'absurde. Il se comporte donc en conséquence : il ne ment pas, il ne juge pas, il ne prétend pas être ce qu'il n'est pas - envers les autres comme envers lui-même : s'il ne se sent pas triste que sa mère soit morte, il ne va pas essayer de se persuader qu'il est triste.

 Il est donc jugé à ce titre, puisque de ce fait il fait peur aux gens autour de lui. 

Citations

Elle m'a demandé si je l'aimais. Je lui ai répondu que cela ne voulait rien dire, mais qu'il me semblait que non.

De toute façon on est toujours un peu fautif.

[La scène du crime :] C'est alors que tout a vacillé. La mer a charrié un souffle épais et ardent. Il m'a semblé que le ciel s'ouvrait sur toute son étendue pour laisser pleuvoir du feu. Tout mon être s'est tendu et j'ai crispé ma main sur le revolver. La gâchette a cédé, j'ai touché le ventre poli de la crosse et c'est là, dans le bruit à la fois sec et assourdissant, que tout a commencé. J'ai secoué la sueur et le soleil. J'ai compris que j'avais détruit l'équilibre du jour, le silence exceptionnel d'une plage où j'avais été heureux. Alors, j'ai tiré encore quatre fois sur un corps inerte où les balles s'enfonçaient sans qu'il y parût. Et c'était comme quatre coups brefs que je frappais sur la porte du malheur.

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